Extrait

Après quelques marches pour monter dans ce train de nuit, un accompagnateur lui demanda son billet et ses papiers, lui assurant ainsi qu’elle ne serait pas dérangée pendant ce voyage de presque douze heures. Le compartiment « lit réservé » se trouvait au bout du wagon désert. La cabine étroite était vide, les lits déjà préparés. Deux lits superposés. Deux seulement. Elles seront seules. Cette simple pensée faisait couler le long de sa colonne vertébrale un frisson tiède d’impatience. Sans tarder, Marie hissa sa valise dans le compartiment au-dessus de la porte, et installa près du minuscule lavabo bloqué dans un placard quelques affaires. Le miroir terne lui renvoyait une image qui restait flatteuse. Bien sûr les années s’étaient inscrites en creux sur son front et au bord de ses lèvres, bien sûr…mais ses lèvres ourlées restaient douces, ses yeux bruns demeuraient brillants comme l’enfance, et ses joues, si elles n’étaient plus aussi rebondies qu’autrefois, avaient gardé cette teinte rose pâle, telle une fleur de printemps. Avec précaution, Marie glissa dans le creux de ses seins quelques gouttes d’eau de Cologne au chèvrefeuille. Sa peau devint alors jardin qui s’éveille sous la pluie légère, radieuse, rieuse comme avant, comme il y a vingt ans. Le parfumeur lui a expliqué que les petites fleurs blanches du chèvrefeuille n’éclosent qu’à la fin de l’hiver. Après vingt ans de froid glacial, elles refleurirent sur sa poitrine, plus étincelantes que jamais.