Extrait

Ironiquement, tout commença pour moi dans un couvent, aux confins des terres celtes de Tre war Venydh, plus tard nommé Tintagel. Pendragon, le nouvel époux de ma mère, avait décidé de m’y envoyer parfaire mon instruction. J’avais quinze ans, une mère fantomatique, un beau-père tyrannique, un demi-frère énigmatique, que je n’avais jamais connu et qui était parti compléter son éducation dans des terres lointaines. Un couvent. Autant dire une prison. Une prison remplie de femmes, de prières et de sang. Tout m’y était étranger, jusqu’à ce dieu mort dont on adorait le supplice. Moi qui n’avais jamais eu de père mortel, je trouvais ridicule la débauche de souffrance dont on affublait ce Fils qu’elles adoraient toutes. Toutes sauf une : la mère supérieure. Je m’en aperçus instantanément, à son regard pénétrant, presque indécent, lorsqu’elle me vit pour la première fois. J’avais quinze ans, oui. Des membres musclés par les longues chevauchées dans les plaines désertes, un regard avide de connaissance et de jouissances, des cheveux noirs et sauvages. Une nymphe olitaire, comme elle se plaisait à m’appeler. Durant les deux années passées au cœur de cet exil féminin, elle m’enseigna l’art de guérir, l’art des filtres et des envoûtements et surtout que le plaisir, tout comme la guerre était également un art. Ce fut un soir d’hiver, sombre et délavé, qu’elle me dépucela. C’était après Complies. Ces heures-là étaient silencieuses au monastère. Mes pensées noircissaient les pages...